ACTE II
Scène I
Avant que les rideaux ne s'ouvrent.
Narrateur :
Nous sommes en 1968, Pierre, (le fils
d'yvette et Antoine), lui, se croit toujours dans sa ferme. Il a épousé Françoise une mère célibataire. Ils vivent dans un appartement à Paris avec leurs deux enfants, (Paulette et Bruno). Quant à Juliette elle est
restée pour s'occuper de ses grands-parents, et c'est avec soulagement qu'elle a trouvé un mari, un garçon du pays, le fils Cogner. Pauvre Juliette elle ne verra sans doute jamais Paris. Attendez, peut-être que si,
pendant la foire agricole.
LES RIDEAUX S'OUVRENT
Paulette et Bruno dansent. Pierre entre en scène, les cheveux hirsutes, la chemise sortie du pantalon, il éteint la radio.
PIERRE : C'est un
paysan, il est déjà à moitié estourbi par l’alcool, il gueule sur Françoise sans aucune raison, il lui parle très près du visage, prêt à lui mettre un coup, il grimace, son visage est déformé par la haine.
PIERRE-C’est quoi c’bordel ! Et toi, tu dis rien ?
FRANCOISE-Qu’est-ce que tu veux que j’dise ?
PIERRE-Bah ! Rien, bien sûr, tu n' leur dis jamais rien, t’es tellement conne ! Qu’est-ce que t’as fait à bouffer ?
FRANCOISE-Des frites et du jambon.
PIERRE-J’espère que c’est pas du surgelé, tes frites.
FRANCOISE-J’n’avais pas le temps ce matin, et puis c’est tout c’qui restait dans
L'fraiseur, j’ai passé la matinée à repasser.
PIERRE-T’as passé la matinée à repasser ?
FRANCOISE-Avec les plis que j’dois faire à tes chemises, ça prend du temps.
PIERRE-Vas-y ! Dis qu' c’est d’ ma faute ! T’ai allé prendre le café chez la voisine, l’autre gouine.
FRANCOISE- Qu’est-ce que tu racontes, elle n’est pas gouine Giselle.
PIERRE-Tu la défend bien vite !
FRANCOISE-D’toutes façons, j’suis pas allée chez elle.
PIERRE-Menteuse ! On t’a vu !
FRANCOISE-Qui m’a vu ?
PIERRE-Qu’est-ce que tu crois, ils t’connaissent dans l'quartier, avec ton “ bâtard ”.
FRANCOISE-Tu l’savais quand ont s’est marié que j’étais enceinte.
PIERRE-Oui, j’étais bien con,
tu m’as fais pitié avec ton gros ventre. Quand j’t’ai connue, t’étais rien, j’ t’ai presque ramassé dans la rue ! Alors la moindre des choses, c’est de me faire la bouffe, c'est pas dur quand même !
FRANCOISE-Mais, j’ai fait à manger.
PIERRE-Ta “ MERDE-LA ! " J’en veux pas !
FRANCOISE-C’est pas de la “ merde ”, c’est des frites. D’toute façon, j’ai plus d’argent pour faire les courses.
PIERRE-T’as tout dépensé !
FRANCOISE-J’avais que cent francs, pour la semaine, ça fait deux semaines que tu m’as rien donné. J’ai plus d’lessive, plus d’ lait, plus rien, j’ai même pas pu prendre le pain pour ce midi.
PIERRE-Tu te “ démerdes ! "T’as bien de l’argent pour t’acheter des conneries ! T’as qu’à garder un gosse, tu fous rien de la journée ! Tu fais que d'traîner, t’étais où hier ?
FRANCOISE-Voir l’assistante sociale, pour avoir une aide, pour payer l’E.D.F.
PIERRE-J’vous l’avais dit ! C’est Versailles ici, toutes les lumières sont allumées ! Et ton gosse là, à part écouter
d’la musique avec ses cheveux longs. T’as vu comment il s’habille, on dirait un clochard. Moi à son âge, j' travaillais, si j’avais la ferme des vieux, j' te l' mettrais au boulot moi, et à coups de pieds au cul.
Et regardant dans les plats en faisant un bruit infernal avec les couvercles.
PIERRE-T'es même pas capable de faire à manger. Tu préfères traîner, PUTAIN VAS ! J’me tire, j’suis mieux avec mes copains qu’avec
toi.
Pierre sort en claquant la porte, Françoise se met à pleurer.
Dring... dring... Le téléphone.
FRANCOISE-Allô. Justine ? (--...)
-Oui, oui, ça va. Ca fait longtemps... (--...)
-Oui. Il va bien. (--...)
-Et à la ferme ça va ? (--..).
-Sept veaux, c’est bien... (--...)
-Oui, je dirai à Pierre que tu l’embrasses, au revoir Justine.
Scène II
Avant que Marguerite n'entre.
Narrateur :
Marguerite est la copine de Françoise, elle a sûrement fumé l'herbe des prés à coté de Tchernobyl, oui… Oui… je sais, on est en 68, mais Marguerite, elle lit dans l’avenir, alors 1986 pour elle, c’est pas
important, l’explosion du réacteur, c’est comme si c’était fait, c’est vrai qu’elle n’a pas inventé le “ fil à couper le beurre ”. En un mot Marguerite elle est hip. Elle a brouté avec Fleurette cette pauvre bête.
MARGUERITE : Elle est affublée de vêtements de toutes les couleurs, un turban autour de la tête, des grands sacs, dans lesquels elle sort son matériel ésotérique, peut-être même le guéridon, elle parle de manière lente
d’une voix ensommeillée. Son langage est sibyllin, parfois violent.
Marguerite entre en scène, elle est complètement shootée, elle se dirige vers le poste et insère une cassette de Bob Morley.
MARGERITE-C’est cool... J’ai rencontré des copains... On est d'devenu super potes... On va s’acheter un combi- W.W., on s’ tire en Corrèze, on a trouvé une ferme là-bas... Super cool... J’vais clouer mes vieux. On
plantera du cannabis...
Elle s'assoit en tailleur par terre, et, voyant les larmes sur les joues de Françoise elle se traîne jusqu'à elle.
MARGUERITE-Tu pleures ? Qu'est-ce qui ce passe ?
FRANCOISE-J’en peux plus...
MARGUERITE-Tiens prends une taffe... Viens avec nous, tu prends tes gosses se sera cool... Tiens fume…
Lorsque Françoise est avec Marguerite la pression retombe, elle est tantôt triste
tantôt surexcitée, elle passe des rires aux larmes en une fraction de seconde, c’est une femme dépressive en décalage avec ce qui l’entoure, prête à croire n’importe quoi, elle est complètement à l’ouest.
FRANCOISE-Non, non je ne veux pas et puis la galère, j'ai déjà donné. En plus, tu sais bien qu’il est fou, il me retrouverait, J’t’ai jamais dit, mais quand j’ai rencontré Pierre, J’étais enceinte de Bruno. J’m'étais
fais virer de l’hôtel maternel d’Yssy les Moulineaux, on avait fait grève, les filles du M.L.F. nous avaient soutenues, c’est comme ça que j’ai connu Thérèse.
MARGUERITE-Ha oui… Thérèse, elle est géniale Thérèse.
FRANCOISE-- J’me souviens, c'était en juillet, on avait fait un pique-nique. En rentrant, on a appris qu’on était viré par décision de la croix rouge et du ministère de l’intérieur. La plupart des filles ont été placées
dans des centres, éloignés les uns des autres. On avait pourtant réussi à discuter le règlement et à choisir les éducateurs. Il n’y avait pas assez de place pour tout le monde, je me suis retrouvée dehors.
Qu’est-ce que je vais devenir ?
MARGUERITE-Attends… je vais interroger l'oracle…
Françoise s’effondre en larmes sur la table. Marguerite sort ses cartes de son sac, et se met en transe.
Quand
elle fait sa prédiction, elle prend un air de sorcière qui lirait une formule dans son grimoire, puis, elle se met en transe, regardant vers le haut elle lève les bras. Elle le voit le phallus néon électrifié, elle lui
parle comme à la statue d’un dieu. Sa prédiction terminée, elle retombe dans une sorte de léthargie
MARGUERITE--Aie confiance... Aie confiance... (Elle pose une carte). Crois-en mon expérience et prends patience… car
en vérité, avant un été... PHALUS SERA ECRABOUILLE. (Elle repose une carte). Matraques sur cheveux décolorés au heinné, bottes de sept lieux iront jusqu’aux cieux... La débandade ébranlée par toute une communauté...
(Elle pose une carte) PILULE ! (Elle repose une carte) AVORTEMENT ! (Elle se met en transe). EVENTREMENT ! Par les matraques émasculées. (Elle pose une carte) vagins en salades, clitos dans les choux... Naissance de la
jouissance, espérance et endurance... (Elle pose une carte). Militantes ardentes feront naître la parité... Je vois... Je vois... Les garantes de la mémoire collective, servante du pouvoir versatile, de l’encre sera
versée INDELIBILE. (Elle pose une carte). Egocentrique contre la trique ! Au tournant d’un grand moment ! Etonnant est toujours déroutant... (Elle prend une carte et la lève très haut) PHALUS... HO… GRAND… PHALUS...
NEON ELECTRIFIE, quand il n’y a plus de courant il fait noir dedans... SALOPE... SALOPE en panacée, MINISTRE INJURIE ! Des chiennes en aboiement, gardiennes du firmament. ABRACADABRAQUEMARD... ABRACADABRAQUEMARD...
Envolés les rêves tant espérés (Elle jette toutes les cartes en l'air) Je ne vois plus rien. (Elle tombe presque en syncope)
Françoise s'approche, inquiète, elle lui propose un verre d'eau.
FRANCOISE-Tu crois qu’il va y avoir la guerre HOMMES-FEMMES ?
MARGUERITE-Peace and love...
Scène III
Avant que Thérèse n'entre.
Narrateur :
Thérèse, l'autre copine de Françoise est
féministe, elle se prend pour Valérie SALANAS qui a écrit “ le premier manifeste de la libération de la femme ”. Les hommes sont des larves malfaisantes, lamentable accident de la génétique qu’un massacre politique
devra abolir. Le pouvoir des femelles est à nos portes. Le livre s’impose par sa violence. Thérèse n’écrit pas elle, elle manifeste.
THERESE : Elle est masculine, un pantalon de jean, une grande chemise avec les
manches relevées, quand elle arrive sur scène on pourrait la comparer à un tank, elle hurle, “ mon corps m’appartient ”, la voix sévère, grave, elle parle fort, elle est en guerre, elle tire sa chaise bruyamment, elle
s’assoit à califourchon, elle prend beaucoup d’espace, en un mot c’est RAMBO.
Thérèse entre en scène avec des pancartes sur lesquelles on peu lire “ MON CORPS M’APPARTIENT ”. Décorées de
guirlandes de soutient gorges.
THERESE-MON CORPS M’APPARTIENT... MON CORPS M’APPARTIENT... Toutes ensemble... Toutes ensemble...
Marguerite s’accroche derrière elle, suivit par Françoise, elles forment
une chenille, font le tour de la scène et se rassoient en riant.
Quand Thérèse est là, Françoise, tout à coup, voit une lueur d’espoir comme si Thérèse, à elle toute seule, était un déploiement des forces
militaires, elle croit en Thérèse qui va la sauver.
THERESE-J’arrive d’une “ manif ”, on s’est fait fracasser, il y avait des étudiants qui lançaient des pavés dans la gueule des C.R.S. Roberte, Chantal,
Josette, Nicole, on y était toutes, on s'est pas dégonflé, quand on a vu le bordel, on y a été aussi. Non mais, faut pas déconner, y en a marre ! Y en a marre des bonhommes, nous aussi on veut bosser. Et puis quoi
encore on n'est pas leurs bonniches. Moi, je te dis que l' Marcel, il a beau être camionneur, c'est pas lui qui porte la culotte. On va quand même pas se laisser emmerder toute notre vie. OUI A LA PILULE ! OUI A
L'AVORTEMENT ! VIVE LA LIBERTE !
S’adressant à Marguerite.
THERESE-Qu’est-ce que tu fais, toi avec tes cartes ?
MARGUERITE-Je remontais le moral à Françoise, elle n’est pas bien.
THERESE-C’est encore ton bonhomme ? Quel con celui là ! Je t’avais prévenu… je te l’avais dis que c’était un connard… mais toi t'as rien voulu entendre. JE L’AIME ! Tu te rappelles ? Laisse le tomber ! Tu mérites
mieux que cette épave.
Françoise refond en larmes.
MARGUERITE-Ne pleure pas ma belle, ça va s'arranger, Thérèse t'es vraiment dure.
THERESE-Allez... On ne va pas te laisser tomber ? Qu’est-ce
que tu veux que je te dise ? Les bonhommes, il faut les écrabouiller dès le départ, il ne faut pas Se laisser faire, sinon, ils te transforment en serpillière. Il faut qu’on se défende et que l’on reste solidaire. Allez
! Fais-moi un café ! (Pendant que Françoise fait le café). Il est où là ? Je vais te le toper moi !
FRANCOISE-(Françoise revenant avec le café). Non, non, ne dis rien ça risque d’être pire. D’toute façon, il est
parti chez son copain Polo, il n’est pas près de revenir. Thérèse, je suis gênée, mais, t’aurais pas cent francs à m’avancer, j’ai plus rien.
THERESE-Tiens prends, tu me les rendras quand tu pourras.
MARGUERITE-Allez, on va faire un jeu. T'as pas un guéridon par là. Ha ! Si ! Là.
Marguerite se lève pour prendre le guéridon et l’installe à coté de la table.
THERESE-Qu’est-ce qu’elle nous fait celle-là encore ?
MARGUERITE-Mettez vos mains sur la table, il faut que nos doigts se touchent.
THERESE-Mais arrête donc tes conneries, tu ferais mieux de venir avec nous
brûler les barricades plutôt que de nous faire ton "White Spirite".
MARGUERITE--Allez... Allez... C’est qu’un jeu, histoire de remonter le moral à Françoise.
THERESE-N’importe quoi ! T’es vraiment siphonné ma pauvre fille. L’herbe, tu l’as snifé
ou quoi ? Parce que depuis le temps, c’est plus un cerveau que t’as, c’est une botte de paille !
MARGUERITE-Bon.. Bon ! Vous êtes prêtes, on y va. Tout le monde ferme les yeux.
Marguerite guettant Thérèse ouvre un œil.
MARGUERITE--Toi aussi Thérèse.
Thérèse ferme les yeux, mais bougonne.
MARGUERITE-Esprit... Esprit... Es-tu là ?
AUGUSTINE-Oui, j'suis là, ça fait un moment déjà.
MARGUERITE-Esprit... Esprit... Es-tu là ?
Augustine se met à crier. --OUI J'SUIS LA ! J' VOUS ENTENDS MOI ! HA … Quelle famille… On est vraiment maudit chez les Martels… Moi mon Gaston en vieillissant, il s'est calmé… Ha ça ! Il a toujours eu
un penchant pour l'pinard, ça ! Ca jamais changé, et j'peux t' dire… Que quand il était jeune, il m'a caressé plus d'une fois avec son ceinturon. Hé ! J'avais pas intérêt d'me plaindre… Bah ! D'toutes façons à part l'
curé à la confesse… Tiens celui-là y m' donnait des prières en plus à réciter… Comme si c'était d' ma faute si j' prenais des roustes. Ha… L'Gaston… On peut dire qu'il en a bu des litres… Il est mort noyé… Une nuit j'
l' entendais qui chantait, rond comme une barrique… Le v' là t'y pas qu'y s'est mis à vouloir attraper la lune au fond du puits, y croyait qu'elle était tombée d' dans c'était qu 'son
r' reflet… L' a tourné la manivelle… Tourné… Tourné… Bah… Pour faire
descendre le sceau, et puis y s'est penché… Penché…ET PLOUF… C'est comme ça qu'il est
mort Gaston.
MARGUERITE-Esprit... Esprit... Es-tu là ?
AUGUSTINE-J’te dis que j’suis, là. Ha ! Si c'est pas malheureux, personne m’entend jamais moi...
MARGUERITE-Esprit, si tu es là, fait bouger la table une fois pour OUI, deux fois pour NON...
THERESE-Et comment il va faire l’esprit, s’il n’est pas là, tartuffe, pour taper deux fois ? Eh ! Sans déconner, il faut
qu’elle arrête de les allumer ses joints, parce que, avec le White Spirite, et la botte de paille, elle va brûler comme une sorcière.
MARGUERITE-CHUT... Je sens une présence.
A la stupeur générale, la table se met à bouger une fois.
MARGERITE-Arrête, Thérèse, c’est pas drôle.
THERESE-C'est pas moi ! Ho ! Toi, t’es en train de nous entourlouper avec tes fantômes à deux balles.
AUGUSTINE-C’est moi Augustine!
La table se met à bouger dans tous les sens.
AUGUSTINE-HA ! Elles commencent à m’énerver celles-là !
MARGUERITE-Es-tu un esprit malin ?
AUGUSTINE-Bah !
J'crois que j'suis pas trop bête, quelle question ? (Faisant un signe avec son index sur sa tempe pour dire qu'elles sont toquées)
MARGUERITE-J’crois qu’il est parti.
La table se met de nouveau à bouger.
MARGUERITE --Je crois que c’est un mauvais esprit. Bougez pas ! J'vais le faire partir.
Elle sort une bouteille de déodorant de son sac.
MARGUERITE -Vas-t’en ! Mauvais esprit ! Et ne reviens plus nous hanter, sinon ! Gare à toi... J'te gaze !
THERESE-T’es complètement allumée ma pauvre vieille, t’as pété une durite ?
Thérèse regarde et prend la bouteille.
THERESE-NARTA !
Françoise rit de bon cœur.
MARGUERITE-N’empêche que Françoise, elle ne pleure plus.
THERESE-Pff ! Il faudrait créer une association au lieu de pleurer.
MARGUERITE-Pour quoi faire ?
THERESE-Et bien ! Pour aider toutes celles qui sont comme Françoise. Comment veux-tu qu'elle s’en sorte ? Elle ne peut
même pas retourner chez ses parents, ils ne lui ouvriraient même pas.
MARGUERITE-Moi, je me tire en Corrèze COOL...
THERESE-Et qu’est-ce que tu vas faire en Corrèze ?
MARGUERITE-On va vivre en communauté avec des potes... HIP... HIP... HOP...
FRANCOISE-Elle a fumé la moquette.
MARGUERITE-Vous-vous compliquez la vie... Vous devriez fumer un peu plus et penser un peu moins.
THERESE-Il n’y aurait pas des hormones mâles dans ton herbe, dis ?
MARGUERITE-Bof ! J'sais pas.
THERESE-On a
distribué des smarties à la sortie du lycée, on a dit aux étudiantes, que c'était pas plus dur de prendre la pilule, que de manger un bonbon. Si la loi sur l’avortement ne passe pas, c'est sur le bureau de Simone WEIL
qu’on les fera. On va brûler nos soutien- gorge, fini les petites pépées, on va leur montrer qu’on a des couilles.
MARGUERITE-Mais pourquoi tant de haine ?
Paulette entre en scène.
PAULETTE-Maman…
FRANCOISE-QUOI ?
PAULETTE-J'ai faim…
FRANCOISE-TienS, voilà cent francs, vas acheter des pommes de terre, du lait, du beurre et du pain.
Paulette sort.
THERESE-Elle a grandi, ça lui fait quel âge maintenant ?
FRANCOISE-14 ans, elle a beaucoup de retard à l’école et puis, j'sais pas ce qu’elle a, elle devient agressive avec tout le monde. La dernière fois,
quand je lui ai demandé de ranger sa chambre, elle a fait une crise. Elle s’est mise à hurler. J'me demande, si je ne dois pas la mettre en pension.
THERESE-Ca va passer, ça doit pas être facile pour eux. Et Justine,
ta belle-sœur, elle ne pourrait pas la prendre pour les vacances, la campagne, ça lui ferait du bien.
FRANCOISE-Tu sais, depuis que Pierre a quitté la ferme, il n’aime pas trop y retourner,
de toutes façons il ne s’entend pas avec le mari de Justine, il a l’impression qu’il lui a prit sa place.
THERESE-Pourquoi est-ce qu’il n’ont pas hérité par moitié, c’est bizarre ?
FRANCOISE-J'sais pas,
personne n’en parle, Pierre encore bien moins. Pourtant, Justine nous a déjà proposé de venir quelques jours, mais Pierre ne veut pas en entendre parler.
THERESE-Ouais ! C’est bizarre ?
Tout à coup, les lumières s’éteignent.
MARGUERITE-Attendez ! J’ai une pile dans mon sac.
Augustine pousse le sac de Marguerite avec sa cane. On entend un gros “ boum ”.
MARGUERITE-J'suis tombée... Putain, Françoise, t'as pas payé l’E.D.F. ?
FRANCOISE-J’comprends pas ? L’assistante sociale m’avait pourtant dit qu’elle s’occupait de la facture.
THERESE-T'as pas des bougies ?
FRANCOISE-Si, dans le tiroir.
Pendant que Thérèse cherche les bougies, Marguerite allume sa pile, et se retrouve nez à nez avec le fantôme d'Augustine. Qu'elle est la seule à voir.
MARGUERITE-AH ! ! ! Qu’est-ce que c’est ?
THERESE-Quoi ?
MARGUERITE-Là !!!
Thérèse allume les bougies.
THERESE--Qu’est-ce que t'as vu ?
MARGUERITE-UN FANTOME ! ! !
Et elle se précipite pour sortir, complètement affolée.
THERESE-Elle est complètement déjantée.
FRANCOISE-Elle est comme ça Marguerite, on a bien rigolé, heureusement qu’elle est là parfois pour me remonter le
moral, c’est un vrai clown. Elle trouve toujours des pitreries, même dans les situations désespérées. En tout cas, c’est plus Versailles ici, comme dirait Pierre. Il va gueuler, il est capable de me dire que j’suis pas
allez voir l’assistante sociale. Qu 'est-ce que tu vas faire maintenant Thérèse, tu continues le combat ?
THERESE-Oui, tiens d’ailleurs, j’ai une réunion ce soir avec les filles. Notre premier objectif : Faire passer
la loi sur l’avortement. Et puis : Faire de l’information sur la pilule parce que c’est pas encore clair dans toutes les têtes. Il faut expliquer aux nanas comment on peut l’avoir. Tu penses, elles n’osent pas en parler
avec leurs toubibs. Et toi, ça va aller ? Tu dois vraiment partir d’ici, c’est pas une vie, te voilà dans le noir maintenant. C’est dans nos projets de monter une association pour les femmes qui ne peuvent pas partir.
FRANCOISE-Oui ? Ce serait une solution, mais Pierre deviendrait fou si je partais, j’ai déjà essayé, j’suis partie chez Marguerite, tu penses, il s’en est douté, il est venu chez elle, il a failli démolir la porte, j’ai
préféré rentrer pour ne pas faire d’histoire.
THERESE-Il faudrait louer un appartement pour héberger plusieurs femmes, l’union fait la force, parce que là, dans ton cas, à part trouver un autre bonhomme…
FRANCOISE-T’es folle ! Il me tuerait ! Ca s'est déjà vu dans la famille.
THERESE-J'sais bien, c’est bien pour ça qu’il faut trouver une solution, ça va mal finir votre histoire, rejoins-nous ! Nous sommes une
vingtaine déjà, nous nous réunissons pour réfléchir, il faut vraiment trouver des solutions, toi avec ta vie, tu peux soulever des questions auxquelles on a pas pensé. Il faut un front autonome de femmes, là non-mixité
est essentielle pour notre groupe. A BAS LE TERRORISME MASCULIN.
Tout à coup un bruit sourd suivi de cris.
Pierre entre en hurlant comme si on lui avait arraché une dent.
PIERRE-Qu’est-ce que c'est qu' ce bordel encore, pourquoi il fait noir là dedans…
FRANCOISE !
L’effervescence retombe d’un coup, une peur panique se lit sur le visage de Françoise qui n’a qu’une
envie, raccompagner Thérèse à la porte avec l’air coupable d’avoir eu la visite de son amie.
FRANCOISE-C’est L’E.D.F. ils nous ont coupé le courant.
Pierre entre en scène avec un abat-jour autour du cou.
PIERRE-J’croyais que t’avais vu l’assistante sociale, pauvre conne, tu vois qu' t’es une menteuse !
THERESE-Si elle te le dit !
Quand il s’adresse à Thérèse, une sorte de rivalité les pousse à presque se battre, juste dans le regard.
PIERRE-Qu’est-ce que tu fous là, toi PETASSE !
Thérèse se lève.
THERESE-Quoi pétasse !
FRANCOISE-Elle allait partir, n’est-ce pas Thérèse ?
THERESE-Oui c’est ça, j’allais partir ! (Elle pousse Pierre "chancelant" qui manque de tomber) Ca va aller Françoise ?
FRANCOISE-Oui ! Oui ! J' te raccompagne.
PIERRE-C’est ça ! Allez DEHORS !
Françoise ferme la porte derrière Thérèse.
PIERRE-Ah ! C’est comme ça !
Les rideaux se referment, on entend les coups qui tombent avec des AIE… AIE… AIE…